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Champion de France de concours hippique 1972,
Xavier Delalande a exposé à Claude Bonnafont ses théories sur l'entraînement d'un cheval de concours.
Pour les débutants comme les cavaliers confirmés.
Théoriquement, le niveau du deuxième degré est un bon repère. En fait, dès les premières années d'équitation, un débutant doit de temps à autre sauter en manège de petits obstacles isolés, aux trois allures. Cela fait partie de l'entraînement de base. Un critère beaucoup plus concret me semble être l'assiette qu'il a acquise. L'entraînement à l'obstacle suppose que le cavalier tienne à cheval sans problème. Son assiette est stable, il n'a plus à se cramponner. A mon avis, c'est la condition sine qua non. Un cavalier formé mais débutant à l'obstacle peut-il valablement entraîner un cheval non dressé à l'obstacle? En aucun cas. L'opinion est très répandue chez les débutants qu'ils pourront faire leurs classes ensemble, que deux néophytes, le cheval et son cavalier, s'initieront et progresseront ensemble, leur innocence commune créant entre eux une sorte de solidarité. C'est une erreur énorme ; on obtiendra ceci : un cheval désordonné plus un cavalier désordonné. L'échec est fatal ! Que suggérez-vous alors à un jeune cavalier propriétaire d'un cheval non entraîné à l'obstacle? De confier régulièrement son cheval à un cavalier confirmé qui lui inculquera les principes de base, à raison d'une séance d'obstacle tous les quinze jours au minimum, tous les huit jours au grand maximum. Ceci me semble primordial : sous prétexte d'entraînement, l'immense majorité des cavaliers ont tendance à faire sauter exagérément leurs montures. Le travail à l'obstacle blase très rapidement le cheval. Des séances de saut trop fréquentes, réitérées plusieurs fois par jour, deviennent une corvée pour le cheval. Sauter ne l'amuse plus, il perd le respect de l'obstacle qui est la base du concours hippique. Les chevaux aiment-ils sauter? La gamme des caractères est extraordinairement variée mais je crois que la majorité des chevaux n'aiment pas naturellement sauter. Pourtant, il est indéniable que certains chevaux s'amusent lorsqu'ils sautent et ceci est fonction de leur préparation. Imaginez un cheval pour lequel saut signifie douleur. Il n'a jamais saute sans recevoir un bon coup sur la bouche parce que son cavalier se cramponne, qu'il est instable ou maladroit. Ce cheval ne prendra jamais goût à l'obstacle. Par contre, pour un cheval habitué à sauter avec un contact continu, le saut peut devenir un jeu auquel il se prête avec coeur. Le goût du cheval pour l'obstacle dépend surtout de l'adresse du cavalier. Quelles sont les qualités majeures d'un cheval de concours hippique? Une arrière-main bien développée, des cuisses qui descendent bas, des jarrets larges, des membres très sains et très nets, des pieds qui n'ont pas souffert, un coeur en parfait état. L'examen vétérinaire, indispensable avant l'acquisition d'un cheval de concours hippique, doit porter essentiellement sur ces deux points : les membres et le coeur. Il y a des chevaux de tous les modèles qui sautent et les canons de la beauté n'ont rien à y voir. Le bon cheval de concours hippique se propulse à toutes les allures, ayant de préférence un dos et une encolure bien dirigés. Quand on achète un cheval, ce n'est pas sur un obstacle haut qu'il faut le juger, mais en lui faisant passer cinq à six fois un vertical de 1,10 m ou un oxer carré de même hauteur, au trot, au petit galop, sans forcer. Une attention soutenue est infiniment plus souhaitable que la puissance sur un obstacle unique, même élevé. S'il se blase sur l'obstacle bas, s'il devient négligent dès le troisième saut, il faut l'exclure. Les origines sont-elles importantes? Oui, dans la mesure où elles éliminent bien des chances de se tromper. Si vous voulez un cheval qui saute, mieux vaut qu'il provienne d'une famille de sauteurs dont on connaît les qualités et les défauts. La Société des Steeple-chases édite chaque année un compte-rendu des sommes gagnées en concours hippiques où sont répertoriés tous les renseignements possibles concernant les chevaux, leurs origines et leurs gains. Cette mine de renseignements permet de guider un achat éventuel. En ce qui concerne les races, il faut, je pense, éliminer d'emblée les chevaux espagnols et les barbes et savoir aussi que l'on rencontrera des difficultés pour faire participer des chevaux étrangers et des chevaux qui n'ont pas leurs papiers complets à certaines épreuves nationales ; encore que les règlements s'assouplissent d'une année sur l'autre. Les Anglo-arabes passent pour être plus chauds et plus émotifs. Leurs qualités sont la vivacité de compréhension et l'allant. Quant aux Selle Français, je leur demande pour ma part d'avoir beaucoup de sang. Bien dressé, tout cheval peut-il sauter, du moins en classe D ou C ? Le dressage améliore les aptitudes d'un cheval. Cependant il y a des chevaux qui ne sauteront jamais, même s'ils sont très bien nés d'une mère avant tourné en concours hippique. Pourtant l'inaptitude au saut est évidemment moins fréquente chez les poulains aux bonnes origines. Quand on rencontre de graves difficultés, quand par exemple on ne parvient jamais à terminer un parcours avec un cheval, mon opinion est qu'il ne faut pas s'entêter. On ne parviendrait qu'à dégoutter définitivement son cheval. A ce stade, un examen sérieux de la situation s'impose. Si le vétérinaire consulté élimine l'ennui de santé, deux causes demeurent qui peuvent expliquer l'échec : l'inaptitude complète du cheval ou la mésentente avec son cavalier. Comment déterminer la véritable raison ? Tout simplement en confiant son cheval, en dehors d'une épreuve, à un autre cavalier expérimenté. S'il échoue lui aussi, les aptitudes du cheval sont manifestement en cause ; il faut renoncer à en faire un cheval de concours hippique. Si, en revanche, l'essai est une réussite, l'incompatibilité d'humeur entre le cheval et son cavalier habituel est démontrée. Dans ce cas, le cavalier doit changer de cheval sans se sentir déshonoré. Les débutants acceptent difficilement l'échec avec un cheval. Ils s'obstinent et ils ont tort. Chez les meilleurs cavaliers ces incompatibilités persistent. Tel qui s'accommode parfaitement d'un cheval chaud et fougueux n'obtient rien d'un bon cheval plus froid et soumis qui l'ennuie. L'important est d'analyser les motifs réels de l'échec, le plus tôt possible pour ne pas s'enfermer dans une situation sans issue. Supposons un cheval et un cavalier pouvant prétendre aux premiers échelons des concours et unis par une entente satisfaisante, quel entraînement leur suggérez-vous? Sur le plat, le travail du cheval doit être axé sur une alternance d'allongements et de ralentissements d'allure. Il faut obtenir qu'il avance sans que l'on ait à tambouriner, qu'il ralentisse sans qu'il soit nécessaire de tirer sur les rênes. Les voltes au trot et au galop - on doit effectuer sans problème des voltes de 10 m de diamètre - s'accomplissent sur rênes d'ouverture. Beaucoup de cavaliers se compliquent inutilement la tâche en pratiquant trop tôt, et mal, les rênes contraires d'opposition. Parallèlement à ce travail d'assouplissement, on fera sauter le cheval soit en liberté dans un manège de petites dimensions (largeur : 9 à 10 m ; longueur : 16 à 2O m) soit à la longe.
Le critère d'un saut réussi est le calme du cheval, son aisance. Il doit sauter comme il galope, sans excitation ni émotion apparente. Ce résultat obtenu, on peut enchaîner sur des groupes d'obstacles et, au bout d'un mois et demi de travail au galop, faire de temps à autre un parcours entier. J'insiste sur ce point : un parcours entier est un travail exceptionnel. Il est aberrant de demander chaque jour un parcours, pis encore d'enchaîner parcours sur parcours au cours de la même séance d'entraînement. Le cheval se grise, s'excite, se désunit. Il devient inattentif et négligeant et se jette n'importe comment dans tous les obstacles. Or le problème majeur du concours hippique est la résistance du cheval ; l'entraînement est avant tout un travail de mise en souffle. Quand convient-il de corriger son cheval? Lorsque, placé par son cavalier dans des conditions raisonnables, il dérobe ou se défend. Dans ce cas, la sanction doit suivre immédiatement la désobéissance : elle sera énergique mais brève : un seul coup de cravache. Le cheval doit comprendre exactement ce qu'on attend de lui, discriminer à coup sûr le bien du mal. Il ne doit y avoir pour lui aucune équivoque dans le comportement de son cavalier, ce qui signifie aucune hésitation ni ambiguïté dans les ordres qu'il en reçoit. Les corrections sur la bouche, outre leur côté lamentable, font reculer de plusieurs semaines les progrès du cheval. La récompense bien sûr, intervient elle aussi immédiatement après le saut réussi, l'effort donné généreusement. A l'inverse de la correction, elle peut se prolonger. Il faut beaucoup flatter, beaucoup caresser un cheval qui se donne avec coeur. En comprenant toujours, grâce à des corrections ou récompenses très nettes, s'il a bien ou mal agi, le cheval acquiert de la maturité. Quel sera le programme d'entraînement pour un cheval parvenu au stade du travail de l'obstacle au galop? Trois quarts d'heure de travail quotidien sont amplement suffisants pour un cheval jeune. Le cavalier qui monte chaque jour peut adopter le rythme suivant : 1er jour, sortie en forêt ; 2è jour, assouplissements ; 3è jour, sortie en forêt ; 4è jour, assouplissements ; 5è jour, travail à l'obstacle ; 6è jour, sortie ; 7è jour, repos. Si l'on est obligé de réduire l'entraînement aux trois jours du week-end, je préconise la séquence : 1er jour, sortie ; 2è jour, assouplissements ; 3è jour, travail à l'obstacle. C'est une erreur de faire faire des assouplissements après une période inactive sans la transition d'une sortie. J'entends par sortie une promenade en tout-terrain, active et variée avec alternance de longs trotting (15 mn), de pas (5 mn) et de courts galops (3 mn).
Le cavalier peut faire à pied un peu de gymnastique avant de monter pour s'assouplir la colonne vertébrale. A mon avis, les assouplissements classiques sur une monture, tels que sauts sans étrier, sauts les mains derrière le dos, etc.. s'accomplissent uniquement sur des chevaux de manège et dans un lieu clos. Lors de l'entraînement à l'obstacle, deux points sont essentiels. Le premier consiste à garder le contact avec la bouche de façon à la fois légère et continue tout le temps que dure le saut. Certains cavaliers s'imaginent qu'ils enlèvent leur cheval, lorsqu'ils tirent violemment sur les rênes lors de la dernière foulée devant l'obstacle, ce qui a pour seuls résultats d'esquinter la bouche de leur monture, lui faire creuser le rein et la dégoûter... Le bon cavalier se contente de ne pas gêner son cheval. Ses mains suivent les déplacements de la tête du cheval de manière à conserver un appui constant. Il lie ses propres mouvements à ceux de son cheval qu'il a mené à l'obstacle à un train raisonnable. Les allures maximales sont évidemment à proscrire pour les débutants. S'ils ont un cheval très chaud, il ne faut à aucun prix le laisser partir comme un fou. L'appui fourni au cheval varie d'un cas sur l'autre. Le but étant d'obtenir une allure raisonnable et un bon équilibre de son cheval. Un cheval qui a peu d'équilibre pèsera très fort sur la main et aura tendance soit à ne pas monter les épaules à l'abord de l'obstacle soit à plonger à la réception. Par contre, qu'il attaque l'obstacle, "au pied" ou qu'il l'attaque "grand", le cheval naturellement équilibré garde son équilibre pendant toute la durée du saut : le cavalier se garde alors d'intervenir. Son rôle consiste à rectifier l'appui d'un cheval non équilibré naturellement, grâce surtout à des ralentissements ou allongements qui lui permettront de bien aborder l'obstacle. Puis à la fin du saut, au moment délicat de la réception, si le cavalier a perdu les contacts il doit les reprendre en remettant ses jambes par petits battements pour que le cheval revienne sur la main. Dès lors, s'il sent son cheval disponible, il le dirige vers l'obstacle suivant. Mais s'il sent que son cheval est sur les épaules, qu'il est braque ou qu'il se défend, bref si l'équilibre est rompu, alors il intervient pour rectifier l'engagement. Il se redresse et ferme les jambes juste en arrière de la sangle, à 2-3 cm derrière celle-ci. Ses jambes exercent une pression continue et progressive qui s'accompagne d'un serrement des doigts de même intensité jusqu'à ce que le cheval corrige son équilibre. A l'entraînement, il est bon de faire une volte ou deux avant d'aborder l'obstacle suivant. La clé d'une bonne équitation réside en ceci : une harmonie parfaite entre les effets de jambes et les effets de main. Dans le cas du ralentissement, l'intensité de la force qui s'exerce dans les doigts est identique et opposée à celle qui s'exerce dans les jambes. Dans l'allongement, il a prédominance de la jambe sur la main mais l'équilibre des forces demeure harmonieux, sans ruptures d'intensité ni contradictions internes.
L'idéal est d'arriver le mieux possible tout en intervenant le moins possible. Pour un débutant, il est infiniment plus important de sentir l'équilibre de son cheval et son obéissance en s'exerçant sur de petits obstacles que d'intervenir prématurément de façon inopportune, ce qui met invariablement le cheval en désordre ou en bagarre et alors il n'obéit plus du tout, même à des interventions justifiées. Le cavalier doit d'abord se faire l'oeil, apprendre à voir et à juger comment il arrive. Moins il intervient et mieux il développe sa perception des foulées. Je lui conseille de s'exercer d'abord en forêt, de prendre des points de repère assez loin sur les bords du chemin, une pierre ou une branche par exemple, et d'observer comment il arrive. De sauter des troncs d'arbre et des flaques dans la nature en étudiant toujours le point exact où sa monture s'enlève. Peu à peu son oeil s'éduque. Il peut alors travailler sur des obstacles petits et faciles sur lesquels il vient de très loin au galop en s'efforçant de ne pas intervenir. Bientôt, il aura les mêmes réflexes qu'en voiture. Un obstacle, un passage étroit surgissent. Passera ? Passera pas ? Et puis brusquement le déclic : je passe. Bien sûr, tant que l'on ne voit pas bien, tant que dure l'incertitude, mieux vaut ralentir, quitte à négocier l'obstacle au dernier moment avec une foulée supplémentaire. Etes-vous partisan de l'usage de barres d'appel à l'entraînement? Non, je crois que c'est une erreur de les utiliser de façon systématique. Elles facilitent au début l'entraînement à l'obstacle en liberté mais, par la suite, rendent le cheval moins attentif. D'une manière générale, la barre sèche est mieux respectée que la barre appelée. D'autre part, la barre d'appel est un inconvénient dans la mesure où elle empêche le cheval de venir au pied. Outre le refus et la dérobade, quelles difficultés majeures peut rencontrer un débutant? Les chevaux qui chargent, qui foncent tête baissée dans l'obstacle. Ils éprouvent une forte appréhension et en guise de défense, pratiquent la fuite en avant. Avec eux, il convient de reprendre le travail à la base. On les fait arriver au trot du plus loin possible face à un obstacle moins important que ceux qu'ils chargent et l'on saute en ayant maintenu le trot sans accélération jusqu'à la fin. La seconde étape consiste à partir, toujours de très loin face à l'obstacle, mais au galop cette fois. Puis à passer au trot et à sauter au trot. On ne doit jamais aborder avec eux un obstacle sur une volte car c'est éluder la difficulté. Lorsqu'ils seront habitués à ralentir et à passer au trot avant l'obstacle, ils reprendront confiance.
Enfin, il y a les chevaux rétifs ou fous dont il faut se défaire sans regret. Quels sont les obstacles de base qu'un cavalier peut agencer chez lui? La taille et la disposition d'un parcours d'entraînement privé? Je suis contre un parcours tout installé chez soi car on ne résiste pas à la tentation de le faire quotidiennement et parfois plusieurs fois de suite. Or rien n'est plus nocif, j'insiste à nouveau sur ce point capital. Je préfère quelques obstacles isolés qui changent régulièrement de place. De même je préconise pour l'entraînement de petits obstacles car les gros obstacles émoussent les bonnes volontés. Mieux vaut valoriser son cheval avec les obstacles dont il a naturellement horreur et qu'il rencontrera fatalement en concours : les barres de couleur, les haies sombres et surtout les trous qui l'épouvantent. Il faut l'habituer à franchir le même obstacle dans un sens et dans l'autre, tel quel puis augmenté d'une barre. Attention au sol : un sol dur abîme les pieds, un sol glissant est décourageant et dangereux. On a souvent intérêt à améliorer le sol avec du sable de rivière, l'idéal étant une terre meuble et sablonneuse, pas trop profonde. Un terrain légèrement pentu favorise l'acquisition d'un bon équilibre. Le cheval apprend à aborder différemment l'obstacle en montant puis en descendant. Les obstacles de base sont d'abord le mur en bois qui peut créer une véritable émotion chez un cheval. Pas fragile pas trop gros, il est composé d'éléments mobiles et bien encadré. Puis la haie vive, haute seulement de 60 cm afin qu'on puisse lui ajouter une barre pour empêcher le cheval de se négliger à la longue. Il faudrait à vrai dire plusieurs haies qui serviront sur des verticaux et au milieu d'oxers. Ensuite des barres de bouleaux, des barres de couleurs et deux trous dont la largeur ne doit pas dépasser 1 m ou 2 m et la profondeur 20 à 30 cm pour que le cheval ne se blesse pas s'il met le pied dedans. Les plus grandes précautions s'imposent pour le franchissement du trou que les chevaux redoutent. Un accident minime, un simple incident sur le trou peuvent les marquer à jamais. Avec une haie d'appel, le trou devient rivière. Le dernier obstacle que je suggère est un contre-haut de 80 cm environ, aisément réalisé dans un terrain pentu et que le cheval s'entraînera à passer à l'envers et à l'endroit.
Je ne le conseille pas. Il est très difficile de s'étudier et de se juger soi-même mais tout dépend bien sûr de la maturité du cavalier et de sa sagesse. Mais, en admettant qu'il soit capable d'observer ses propres erreurs, de les analyser et d'en trouver les causes, le jeune cavalier ne peut se passer des observations objectives d'un autre cavalier compétent qui étudie sa monte et la façon dont il enchaîne les obstacles. Aidé de ses critiques et de ses suggestions, il peut établir un programme de travail dont ils discutent ensemble et qu'il mènera seul pendant une période de un mois environ. Passé ce délai, il aura tout intérêt à demander une nouvelle consultation. Dans le milieu des cavaliers que je pratique et connais bien, nous sommes généralement ravis d'aider, de conseiller les débutants en leur faisant part de notre expérience. Notre cavalier affronte son premier concours hippique. Quelles sont vos ultimes recommandations ? La première est d'arriver une heure avant le début du concours pour éviter l'énervement et la précipitation des derniers préparatifs. Le cavalier reconnaît le parcours à pied ; il observe les obstacles, enregistre leur succession en prévoyant les virages propices à la remise en ordre de son cheval. Puis il prépare son cheval mais, attention, détente ne signifie pas épuisement complet... Le travail de détente n'excède pas 15 mn, soit 5 mn de trot à chaque main. 2 mn de pas puis 2 mn de galop à chaque main avec volte et ralentissements. On franchit ensuite un obstacle vertical et un oxer appelé, tous deux faciles et bien en deçà des cotes de l'épreuve. Au paddock le cheval ne doit éprouver ni fatigue ni appréhension; il ne faut en aucun cas entamer son moral mais le mettre en confiance. On termine ce travail de détente par le franchissement dans les deux sens d'un obstacle droit dans les cotes du parcours. Le cheval étant prêt, on le garde au pas, en observant soi-même le parcours des prédécesseurs, leurs erreurs, les pièges éventuels... Le moment venu, on se dirige vers le jury au galop pour vérifier l'obéissance et la mise en avant. Après l'arrêt réglementaire devant le jury, éviter d'aller droit sur l'obstacle mais accomplir une volte et franchir la ligne de départ dans le train qui sera conservé jusqu'à la fin du parcours. Quelles sont les qualités morales requises pour réussir en concours hippique? D'abord la passion du cheval qui seule permet de persévérer malgré les déboires. Un esprit d'analyse s'impose également. En cas d'échec ou de difficulté, le découragement est stérile tandis que la recherche patiente des causes apporte des solutions. Il ne faut jamais hésiter à demander conseil. La douceur est une autre qualité indispensable au cavalier de concours hippique qui veille à préserver la bouche de son cheval. On voit parfois des chevaux dont la commissure des lèvres est à vif, dont l'embouchure est si sévère qu'elle provoque fatalement la douleur. On ne sait pas assez qu'il existe des dentistes pour chevaux. On ignore aussi souvent que des chevaux apparemment violents s'améliorent rapidement grâce à une embouchure plus douce : mors à gros canon ou mors de caoutchouc. Mais jamais on n'obtiendra de résultats stables par la violence et la brutalité. Je puis vous citer un exemple de la patience, de la clairvoyance et de l'esprit d'analyse dont un cavalier doit faire preuve. Lorsqu'un cheval s'arrête systématiquement, rien ne sert de cravacher ni d'exiger tout. Il faut procéder par analyse, par éliminations successives des causes vraisemblables : fréquence exagérée des sauts, terrain trop dur qui fatigue et abîme les pieds, état de santé déficient, faiblesse ou blessure minuscule au pied. Et l'on voit finalement un cheval qui s'arrêtait, sauter gaiement après qu'on lui ait posé des fers appropriés (fers d'aluminium, Hoovepad). Patience et douceur n'excluent évidemment pas l'autorité. Un cheval n'est pas un jouet dont on s'amuse pour lui dire ensuite, comme à un chien : "Va coucher". On ne peut jouer impunément avec un cheval et perdre son autorité sans qu'il s'excite dangereusement. La peur existe-t-elle en concours hippique? Comment la combattre? Oui, on a peur. Deux fois, je suis reste coincé sous un cheval renversé qui ruait à toute volée et j'ai eu peur. De même qu'après un grave accident, d'excellents cavaliers éprouvent la peur qu'ils ignoraient précédemment. Mais il faut dissocier deux choses : le trac lié à la présence du public et à l'épreuve qu'on affronte, et la peur physique instinctive, celle qui vous prend aux tripes. Le trac est une appréhension de mal faire. Avec le métier, il diminue. On le combat en se concentrant sur son cheval, sur son parcours, en s'isolant du monde extérieur pour ne penser qu'à la minute présente, à l'effort immédiat ; c'est une question de volonté et d'habitude. La peur physique viscérale, je ne l'ai personnellement jamais ressentie en parcours mais de grands cavaliers la connaissent et la dominent. Je crois qu'il faut d'abord éviter de se placer dans des situations réellement périlleuses. Il faut choisir ses chevaux en fonction de ses capacités et de ses goûts et éviter d'entreprendre n'importe quelle épreuve avec n'importe quel cheval. La peur se combat et s'élimine tout au long de l'entraînement et ceci dès le début. Il faut inspirer une confiance absolue au gamin que l'on met en selle, en ne le trompant jamais. Il rencontre forcément des difficultés mais son moniteur doit les graduer et lui donner en même temps les moyens de les surmonter. La confiance du jeune cavalier en son moniteur doit être aveugle. Il est évident que les cris et engueulades de la part du moniteur vont à l'encontre de la méthode d'instruction que j'ai pour ma part adoptée. Il est vrai aussi que les moniteurs ont souvent des excuses. Autant l'instruction individuelle est satisfaisante, autant l'instruction en groupe, pour ne pas dire en troupeau, est rebutante ! J'aimerais, pour conclure, parler des joies extraordinaires que procurent l'entraînement à l'obstacle et le concours hippique. Lorsqu'on les pratique à haute dose, on peut craindre de se blaser. C'est tout le contraire qui se passe. Chaque cheval nouveau pose des problèmes neufs, inexplorés, et le plaisir se renouvelle à chaque difficulté vaincue. L'entente, l'accord, l'union parfaite progressivement obtenue après un travail persévérant procure au cavalier des satisfactions profondes. En concours, la récompense est accessoire. Le vrai bonheur naît de la conviction intime d'avoir approché l'idéal : un bon parcours, le plus rapide possible et dont la beauté tient à l'efficacité. |
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